J'ai décidé de tout quitter en France. J'ai quitté Sarkozy, le racisme, le conservatisme montant, la discrimination à l'embauche, le chômage, les "c'est quoi ton origine", la chasse aux sorcières des immigrés, la satanée baguette de pain chère et la liste est longue.
Je m'appelle Farida, c'est pas très beau mais bon c'est mon prénom. Je suis née à Nantes et j'ai 24 ans. Je suis ce qu'on appelle une beurette ou une française d'origine marocaine. Mais au fond je suis ni marocaine, ni française, je suis moi tout simplement, un mélange des deux.
Il y a quelques mois j'ai décroché mon BTS assistante de direction. J'en avais marre d'accumuler des petits contrats d'intérim, d’envoyer mes CVs par centaines, de répondre aux mêmes questions aux entretiens, de répondre au téléphone, de refaire confiance à des collègues, de prouver que je ne suis pas comme les autres. Marre de tout ça. Alors après avoir mis de côté 1500 euros après un an de dur labeur, j'ai décidé de rentrer vers le Maroc, mon pays d’origine. J'adore le Maroc. J’ai toujours adoré. Je ne sais pas pourquoi mais je l’aime ce pays. Ce n’est pas parce que je suis d'origine marocaine que j’aime le Maroc. Mais ce pays m'attire. J'aime la manière de vivre des marocains. Ils vivent simplement. J'aime les couleurs du pays. Tous les jours, vous avez le droit à une nouvelle peinture. Il y a des couleurs partout qui s'assemblent et qui s'entrechoquent. On dit aussi que là-bas, le niveau de vie est meilleur. L'économie est en bonne santé, il y a beaucoup de travail, et on peut se faire certainement beaucoup d'argent. La preuve en est c'est que beaucoup de français de souche ont décidé de s'installer au Maroc. Certains faisaient la queue à l'ANPE et ils sont désormais cadre ou chef d'entreprise. Alors moi qui suis fille de marocains, qui parle la darija, je me dis pourquoi pas ne pas essayer. Ca devrait marcher pour moi aussi. Peut être que c'est ma chance. Mais je ne connais pas bien le Maroc. Je le connais seulement des vacances, des belles plages ensoleillées de Mohammedia durant l'été et du souk Tarek du quartier populaire de Sidi Bernoussi. Mais comment est le Maroc durant les trois autres saisons ? Je n’en ai aucune idée. J'ai toujours eu l'impression que le Maroc avait seulement une saison : l'été.
Quant j'étais plus jeune, on faisait la route de Nantes à Casablanca en voiture avec ma famille. Je me souviens de la marque de la voiture. C'était une Renault 12 break. Une voiture incroyablement costaud. On dormait mes soeurs et moi dans le coffre qui était immense. On pique niquait dans les aires de repos ou à bord des routes françaises et espagnoles avec ce qu'on avait comme nourriture. J'adorais m'arrêter dans les stations essence où mon père prenait son petit café. Moi je prenais toujours une soupe à la tomate dans les distributeurs. C'était génial de rouler, rouler et encore rouler, de découvrir des paysages, des villages, les fameux taureaux noirs d'Espagne, de prendre le bateau entre Algesiras et Tanger et de voir au loin le drapeau marocain qui apparaissait petit à petit. C'était un sentiment unique. Cette terre qui est le Maroc est la moitié de moi. Mais le problème, c'est qu'à part les plages et les routes, je ne connais rien de mon pays d'origine.
Le hic dans cette histoire, c'est mes parents. Vous auriez du voir leur tête quand je leur ai annoncé que je souhaitais vivre au Maroc. Mon père ne comprenait pas.
Il me disait avec son petit accent marocain:
-"Que vas tu faire dans ce pays, tu ne parles même pas la langue, je suis venu en France pour vous assurer un avenir à tes frère et soeurs et à toi, et toi tu veux partir là bas ! C'est pas comme la France. Là bas, il y a la corruption,la pauvreté, les gens vont te voler, il n'y a pas de liberté de parole, il n'y a pas de soins médicaux. Ce n’est pas comme la France. Quand ma mère que Dieu ait son âme devait être opéré, j'ai du payer le fil pour qu'on puisse l'opérer".
Et moi je lui répondais :
-"Mais papa, ça c'est le Maroc de ton temps, des années 70, des années Hassan II, des années de plomb. Aujourd'hui le Maroc a changé. C'est un vrai chantier. Le nouveau roi fait beaucoup de choses pour améliorer le Maroc et la vie des gens. En plus, tu as tous ces français qui partent au Maroc, pour y travailler ou pour leur retraite… Eux ils ne se plaignent pas. Ils profitent, ils ont la belle vie."
Mais mon papa ne voulait rien entendre. Nos discussions duraient des heures. Chacun essayait de convaincre l’autre. Je devenais le Vergès du Maroc. Mais, malgré tout je le comprends. Je comprends ce qu’il veut dire. La génération de mon père a souffert. Ils ont été une génération sacrifiée. Lui et les autres millions de pères ont été complètement déracinés. Désormais ils ne font plus confiance à leur pays. A leur époque, il y avait cette peur constante des policiers. C’était l’état des policiers. Mon père me raconte sans cesse la même histoire.
L'histoire de ces flics espions habillés en civil et qui passaient leur temps à écouter les conversations des hommes dans les cafés. Les flics aussi buvaient un café, jouaient au carte avec des civils et lisaient leur journal. Mais c’était de véritables magnétophones.
Ensuite, mon père m'expliquait que les hommes qui parlaient trop de politique disparaissaient soudainement du jour au lendemain. Leur famille et leurs amis ne les revoyaient plus. Il suffisait qu’ils aient dit haut et fort ce qu’ils pensaient du gouvernement, ils étaient kidnappés, torturés et assassinés. D’ailleurs, aujourd'hui des familles entières ne savent toujours pas ce que leurs proches sont devenus. Au Maroc, à cette époque, il n'y avait pas beaucoup de travail. Les hommes qui venaient des familles pauvres arrêtaient leurs études très tôt pour chercher du travail et subvenir au besoin de sa famille. Mon père travaillait dans une usine de textile pour un salaire de misère. L’usine fabriquait des bobines de fils. Ensuite, la France a eu besoin de bras pour reconstruire le territoire. L’un des secteurs qui avaient besoin de main d’œuvre c’était le secteur automobile. Après les désastres de la guerre, les français devaient bien à continuer La France s’est donc adressée aux pays colonisés notamment les pays du Maghreb. Mon père et les autres pères ont sauté sur l’occasion. Pour eux la France, c’était un paradis de liberté et d’argent. Pour vivre dans ce paradis, ils ont dû payer un prix élevé : quitter leur famille et partir dans un pays qu'ils ne connaissaient pas. Ils ne parlaient ni la langue, ne connaissaient ni la culture, ni les mœurs et ni les français. Mais ils n'avaient pas le choix. Bien sur que si au Maroc, on leur avait donné un travail payé à sa juste valeur, ils seraient restés. Personne ne veut quitter sa patrie et sa nation si tout va bien.
Il y a une chose qui a marqué mon père à vie c'est que c'est en France qu'il a appris la mort de ses deux parents. Un vrai choc de ne pas être prêt d'eux pour les soigner, pour leur dire au revoir, pour les embrasser une dernière fois. En arrivant en France, mon père a commencé comme ouvrier dans l'usine Renault en région parisienne. Puis, après 20 ans de beaux et loyaux services et surtout après 20 ans de serrage de ceinture, d'économie et de tajine avec patates à volonté, mon père a réalisé son rêve : ouvrir sa propre petite épicerie orientale dans la ville de Nantes. Son petit commerce rien qu'à lui. Il est devenu l’arabe du coin comme on dit. Son rêve d'avoir enfin quelque chose rien qu'à lui s’est réalisé. C’est une affaire qui marche très bien d'ailleurs.
Ma mère elle, m'encourage à partir. Face à la réticence de mon père, elle lui répond que je suis jeune et que j'ai besoin de voir ma vie. C'est normal que ma maman puisse me comprendre. Elle même, elle est la soeur aînée d'une fratrie de neuf enfants. Elle me racontait que quand elle était petite et avant d'aller à l'école, elle faisait le ménage, faisait le pain à la main et préparait le petit déjeuner pour toute la famille. Et quand ma grande mère maternelle se réveillait le matin, elle voyait la table garnie de bonnes choses à manger. Ma mère est très intelligente. Elle aurait pu devenir médecin ou avocate. J'en suis sûre. Elle était très douée à l'école. Elle voulait décrocher son bac. Mais, malheureusement, elle a du tout arrêter quand on lui présenta son futur mari. Elle n'avait que 14 ans. Mais attention, auparavant, une jeune fille de 14 ans était très mure, bien plus mure que les adolescentes de 14 ans d'aujourd'hui. Ma mère se maria donc. Mais j'insiste sur le fait qu'elle aimait et aime toujours mon père mais parfois dans de douces confidences, elle me raconte que ces parents lui ont d'une certaine manière volé son enfance, sans qu'elle ne puisse dire mot. Elle me raconte qu'elle jouait encore à la poupée quand on lui a présenté son futur mari. Elle aussi rêvait d'être libre, de rencontrer l'homme de sa vie, d'avoir le coup de foudre comme dans les films égyptiens des années 50 que j'adorais regarder avec elle. Mais ça ne s'est pas passé comme ça. C’est pour ça, qu’elle m'a toujours encouragé de continuer mes études et de vivre libre et de me marier le plus tard possible. Elle me répétait toujours : -
"qu'est ce que tu vas faire d'un homme, il ne te donnera que des maux de tête, il te donnera sans cesse des ordres : Farida cuisine moi ci, Farida, ramène moi ça, reste célibataire le plus longtemps possible".
Mes deux petites soeurs et mon petit frère, eux sont tristes de voir leur grande sœur partir. Je suis un peu leur maman après tout. C'est moi qui les est élevé pendant que ma mère faisait ces heures de ménage à la maison de retraite du coin. Je les nourrissais, leur changeais leur couche et les emmenais à l'école. Bref, j'étais une vraie maman poule. C'était mon travail à plein temps à côté de mes études. Sauf que je n'étais pas payée. (lol)...Aujourd'hui, j'ai même envie de faire des enfants le plus tard possible car j'ai l'impression d'avoir déjà vécu trois maternités. Je ne les ai pas accouché mais je les ai éduqué. Et je comprends que ce départ leur fasse mal. Mais j'ai besoin de vivre ma vie, de voir autre chose, de respirer un autre air et de prendre mes propres décisions. Je me veux rassurante en disant à ma famille que je pars seulement pour trois mois. Trois mois pour savoir si le Maroc va me convenir ou pas.
Alors pour faire plaisir à toute ma famille, je réserve un billet aller retour à 180 euros via internet. Je rentre dans trois mois pile poil en France. Top chrono. Je tente et si ça ne marche pas, je rentre directement en France. Mes parents sont un peu soulagés. Après tout, le Maroc c'est pas à l’autre bout du monde. C’est à seulement trois heures et 20 minutes et puis après je reviens dans trois mois.
J’avais envie de crier haut et fort « Morocco here I come ».
C'est ainsi quotidiennement que vous allez me suivre dans mes aventures vers la découverte de mon pays d'origine : le Maroc. Ce qui est étrange c'est que j'ai une impression de déjà-vu. Trente cinq après que mon père ait immigré en France. C'est à mon tour d'immigrer au Maroc. C'est fou, l'histoire se reproduit toujours. C'est à mon tour de découvrir une nouvelle vie et de découvrir de nouvelles personnalités. Mais attention, je suis une immigrée à contrat à durée déterminée. Encore un autre contrat. Décidément ma vie n'est qu'une succession de CDD...comme la plupart des français.
3 commentaires:
C'est chouette ton histoire..
Je vais tout lire !
J'ai la manie de l'orthographe et là "C'est à mon tour d'immigré au Maroc." tu aurais dû écrire "immigrer"... mais c'est pas gravissime :o)
Merci beaucoup Jean Marc pour ton gentil message et tu as raison pour la faute que tu m'as signalée, d'ailleurs je l'ai corrigée si tu as remarqué.
En fait comme j'écris vite sur mon clavier, je fais parfois des fautes, mais après je relis et je les corrige.
Voilà, merci encore une fois et n'hésites pas à me faire part de tes remarques et critiques.
A bientôt sur "Du henné, du selou et du thé à la menthe"
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