lundi 18 août 2008

Episode 3 : Direction l’aéroport Mohamed V de Casablanca

Je sèche mes larmes et je m’approche d’un pas lent de la queue pour le check in. Ca va vite. C’est bientôt mon tour. C’est mon tour. Je donne les références de mon ticket et mon passeport. Et direct je demande une place près du hublot. J’adore les hublots. Je suis un peu claustrophobe. J’ai besoin de voir des grands espaces. La dame me demande de poser mes bagages sur la balance. Je pose ma valise. 23 kilos. Elle part, elle est attirée par la machine mangeuse de valise. Je la vois partir en me disant que là je ne peux plus retourner en arrière. Je prends mon petit bagage et je pars cers la porte 12 c pour embarquer. En partant, j’entends une petite voix qui m’appelle « Farida ». C’est Younès mon petit frère qui court vers moi. Il saute dans mes bras et me sert fort dans ses bras. Il me dit dans mon oreille : « Farida, je t’aime , on reste en contact sur MSN ». Je l’embrasse sur ses joues. Et puis il repart courir en direction d’une femme qui est ma mère. Je leur fais bye bye et je repars. En me remémorant les paroles douces de mon frère. Je respire un bon coup et j’y vais.

Je m’assois dans la salle d’embarquement. Il y a beaucoup de monde. Des femmes portent des jellabas, des voiles. Ca parle la darija. Et le fait d’écouter cette langue, ça me réconforte. Cette langue, c’est ma deuxième langue. C’est celle utilisée par mes parents pour parler entre eux. Cette langue me calme, me tranquilise. Elle m’appartient autant que le français. Elle me fait sentir chez moi parmi des membres de ma famille. Je prends une place libre à quelques sièges d’une vieille dame seule avec un gros sac cabas devant elle. J’avais prévu un livre pour cette attente : Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire. Un livre que j’avais déjà lu durant ma terminal L, mais c’est un livre que j’ai toujours sur moi.

Je lis, lis et lis encore bercée par les différentes variations des voix, des rires et des cris des gens qui m’entourent, des gens qui parlent la darija. L’hôtesse de terre appelle les passager du vol Nantes Casablanca. C’est moi. C’est nous. Tout le monde se lève d’un coup et pars rapidement faire la queue ou les queues car ce n’est pas une queue qui se dessine mais plusieurs. Je prends mon temps. Après tout l’avion ne va décoller sans nous. Le Maroc ne va pas s’envoler. Il est toujours là bas en Afrique du Nord. Je regarde un groupe de jeune filles juste devant moi. Très bien foutues. Bien maquillées, peut être trop qui parlent trop fort, qui rit trop fort. C’est mon tour. L’hôtesse me souhaite un bon voyage. Au fond de moi, j’espère faire un bon voyage. Je le souhaite. J’abaisse les yeux vers mes pieds qui m’emmènenent et m’emmènent. C’est la dernière fois que je marche sur la terre française et je rentre dans le grand couloir. Ca y est je suis en terrain neutre. Je ne suis plus en terre française. Je me dirige vers la terre marocaine.

Les hôtesses m’accueillent. Je vérifie mon numéro de siège 11A. Il ne faut pas être pressé. Le temps que les passagers mettent leur 25 kilos dans les minuscules compartiments de l’avion. J’attends. Je passe. J’arrive à mon rang de siège. Et paf ! Quelqu’un est à ma place au 11A. Merde. Purée c’est ma place. L’homme fait semblant de ne pas me voir et fait semblant de dormir. Je mets d’abord mon bagage à main dans le compartiment, je respire et d’une voix douce et ferme je lui dis en français : « Monsieur vous êtes à ma place ». Il continue de dormir. Je répète un peu plus fermement : « Monsieur, vous êtes à place ». Il rouvre ses yeux brusquement et me dit en darija « excusez-moi, madame, je ne savais pas ». Il se lève et change de rang. En fait il n’était même pas installé au 11B ou au 11C. Il était finalement au 14 F. Je m’assois soulagée par cette petite victoire et je repense à ce qui vient de se passer. Et je me félicite intérieurement. C’est ma place. C’est moi qui ait demandé près du hublot. Je ne laissera pas mon du. Mon père m’avait prévenu de ne pas me laisser faire. Il me répètait ce qui est à toi et à toi. Fière de cette victoire, je ferme les yeux. Je vois le petit marchand de sable du désert du Sahara venir, m’ouvrir les yeux et me déverser ses petits sacs de sable. Je dors profondément.

Des applaudissements me réveillent soudainement. Pourquoi les gens applaudissent-ils ? Et une voix dit « Mesdames et Monsieur, nous sommes arrivé à Casablanca… »Je regarde les gens autour de moi qui sont contents d’avoir atterri sains et sauf. Comme si une fois sur deux, l’avion se crashe. J’hallucinais. Je n’avais ni senti le décollage, ni l’atterrissage.

L’avion s’arrête. D’un coup tout le monde se lève, et ouvre les compartiments. Comme d’habitude je patiente avant de descendre de l’avion.

Ca y est je débarque à Casablanca. Il est 18h36. Il fait bientôt nuit en ce mois de février. J'arrive au niveau des bureaux de douane. Une magnifique fontaine nous accueille dans le hall avec le portrait du roi Mohamed V. Il est très beau, charismatique. Et tout bas, je dis « Bonjour Majesté ». Il n'y a pas trop de monde, ca devrait aller vite. Mon prochain objectif : récupérer ma valise. Je fais la queue. C'est mon tour. Je dis bonjour à l'inspecteur de police et je lui remets mon passeport. Il me demande ma carte nationale. Alors moi je cherche dans mon sac et je lui donne ma carte nationale française. Il me répond d'un ton sec"non, la carte marocaine". Je le regarde. Je commence à paniquer je ne sais pas de quoi il parle et en une fraction de secondes : je comprends, il veut parler de la carte d'identité marocaine que je n'ai pas. Je lui réponds donc que je ne l'ai pas. Il me dit en me tutoyant : "tu es bien marocaine, ton nom c'est bien Farida Benali, fille de Zohra Ait Hamza et de Bouchaib Benali".
Je réponds que oui je suis bien marocaine et leur fille.
Il me réponds : "tu dois faire la carte"
Et par curiosité, je lui demande est-ce vraiment obligatoire. Il me dis : "tu es marocaine, c'est mieux".

J'avais envie de lui dire que j'étais avant tout française puisque je lui présentais un passeport français. Mais bon au fond je savais qu’il avait raison puisque maintenant je suis au Maroc. Je suis marocaine. Si je vole, si je tue ou si je vends de la drogue ou même de la Vache qui Rit, je suis sous la loi marocaine. Fini la loi française. Je ne suis assez blonde pour être française à 100%. Je m’appelle Farida Benali et non pas Alexia de la Roche Joubert. Au Maroc, je suis une MRE, une Marocaine Résidant à l’Etranger. Et en France, je suis une Française d’origine marocaine ou une beurette. C’est bête toutes ses étiquettes. Pourquoi on ne me prend pas comme je suis, c’est tout. Je me dis pauvre de nous. Tous ces millions de jeunes maghrébins nés en France, on devrait créer un pays rien que pour nous, qu’on appellerait Beurland. Les lois seront mi françaises et mi marocaines. Pas d’étiquette on serait citoyen de ce pays. Pas besoin de parler de ce foutu mot d’intégration, qu’on met dans toutes les sauces harissa.

Je respire un bon coup. Je récupère mon passeport « zènement » comme j'ai appris lors de mes cours de yoga et je réponds à l'inspecteur l'un des seuls que je connais "choukrane, Salam AAlikoum". Et je me dirige vers ma valise en expirant tout doucement. Mon passeport était tamponné. Ma nouvelle vie au Maroc débutait. J’ai très vite compris que ici la Zen attitude devrait être de rigueur.

J’attends ma valise. Il y a beaucoup de valises, des sacs de toutes les formes, des cartons etc…Ca y est je vois la mienne. Une valise noir avec un ruban cadeau vert fluo. Je ne la rate pas. C’est une idée de mon père. Il me dit toujours pour reconnaître ma valise, il faut mettre un fil de couleur. Je récupère ma valise et me retourne. Un homme en uniforme jaune avec un caddie me fait peur. Je me dis mais par où il est sorti lui. Je lui dis non merci pour le caddie. Il insiste et je répète fermement en darija « non merci ». Et il part vers d’autres personnes.

Je me dirige vers la sortie et un autre inspecteur en uniforme me demande mon passeport. Il me demande ma carte d’identité marocaine. Et je lui répond que je ne l’ai pas. Il me dit qu’il faut que je l’ai. Je lui dit « Inch Allah ». Un mot passe-partout. Ce mot est divinement génial. Si vous ne voulez pas faire quelque chose, vous n’avez qu’à répondre « Inch Allah » et vous êtes tranquille. Je sors et je me dirige vers la sortie de l’aéroport enfin. Le ciel est magnifiquement bleu sans aucun nuage. Il fait bon. Les palmiers sont verts. Il fait beau. Ca change de la grisaille française. Un ciel qui me remonte le moral.

J’attends un taxi pour aller au Maarif. C’est là bas que je vais louer pendant ces trois prochains mois un petit appartement. C’est ma copine Anne Marie qui me l’a déniché. Elle connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un et qui connaît quelqu’un qui connaît un marocain qui louait cet appart. Parfois je me dis même qu’Anne Marie, elle est plus marocaine et débrouillarde que moi. Je vais le louer 3000 dirhams tout compris et aménagé, soit à peu près 300 euros. Ce qui fait qu’avec mes petits 1500 euros, je devrais trouver un travail très rapidement. Mais Anne Marie m’a donné quelques contacts d’employeurs qu’elle connaît de ses amis. Je verrai une fois installée.

Je vois une queue de taxis et je vais les voir. Je demande à un chauffeur le Maarif. Il me dit de monter. Il sort en voyant ma valise et me la met dans mon coffre et ca y est c’est parti. Direction le Maarif.

1 commentaire:

Álvaro Ladrón de Guevara a dit…

http://unapasionllamadafutbol.blogspot.com/