18h10. Je me prépare à partir du magasin. Le temps de prendre le bus pour arriver au cinéma Gaumont. Je retire mon badge de ma chemise et là, pas de chance, ma collègue Vanessa vient me voir pour me dire que Monsieur Fourniret voulait me voir dans son bureau. Purée ! Qu'est-ce qu'il voulait encore ? Il va certainement me faire une remarque sur la manière dont je range les chaussures de luxe. Je respire un bon coup et je vais dans le bureau de Monsieur Fourniret. Je frappe à la porte. Il me dit de rentrer et de fermer la porte.
-Farida, je vous en prie, asseyez-vous.
-Merci.
-Je voulais vous voir parce que...(et là mon coeur battait très fort, je l'attendais sa remarque)...je voudrais vous dire que je suis très très content de votre travail.
Je le regarde ébahie. Il poursuit.
-Ces dernières semaines, vous avez explosé votre objectif de vente. Vous avez énormément vendu et surtout des cravates alors que vous ne travaillez qu'une fois par semaine chez nous. Vous avez même plus vendu que vos collègues qui sont là tous les jours. De plus, vous êtes toujours à l'heure, vous êtes souriante, agréable et patiente avec nos clients et vous mettez en pratique ce que je vous ai appris. Je n'ai vraiment rien à vous reprocher.
-Merci Monsieur Fourniret, vous me flattez.
-Comme vous nous quittez dans deux semaines, je souhaiterais vous proposer de rester avec nous le samedi. Je sais que vous êtes toujours étudiante et que vous devez travailler dur pour décrocher votre BTS mais vous pourrez venir travailler avec nous le samedi de 9h à 18 heures, et bien sur vous serez payer au smic. Par ailleurs, vous aurez le droit aussi à des commissions sur vos ventes. Ce qui vous permettra de mettre un peu de beurre dans vos épinards. Qu'en pensez-vous ma chère Farida ?
Je regardais la pendule au dessus de la tête de Monsieur Fourniret. Il était 18h17. Je me disais que j'allais être en retard pour mon tout premier rendez-vous. Mais là Monsieur Fourniret me proposer mon tout premier job aussi et je ne pouvez pas passez devant cette opportunité que des milliers de jeunes français rêvent d'avoir.
Je lui réponds :
-Monsieur Fourniret, ça me fait très plaisir que vous soyez content de mon travail. Pour votre proposition de travailler le samedi, j'accepte avec grand plaisir.
-Farida, j'en suis fort heureux. Pouvez-vous commencer ce samedi? avec les fêtes de fin d'année qui arrivent au galop, on a besoin de vous tout de suite.
- Oui Monsieur pas de problème, je viendrais ce samedi.
-Et bien Farida, je vous laisse donc rentrer chez vous et je vous dis à samedi donc.
-Oui, monsieur, à samedi.
Nous nous levons en même temps et il me tend sa main. Je la lui serre.
-A samedi 9h00 alors.
-Oui Monsieur à samedi.
J'étais si heureuse de cette proposition de travail. Trop heureuse. J'avais envie de crier partout dans la rue que j'avais trouvé mon tout premier job. Je voulais même appeler ma mère pour la tenir au courant la première. Mais je n'avais pas le temps. Je devais attraper mon bus. Je ne voulais pas faire attendre pour mon tout premier rendez-vous. Je ne voulais pas faire attendre Amine. J'aurais l'air de quoi !
Je sors du magasin en courant et me dirige vers l'arrêt du bus à quelques mètres de là. Je regarde les horaires. Merde! le bus que je veux prendre passe dans 8 minutes. Je vais être à la bourre. Merde! Merde! Merde!
Je tournais en rond. Le petit papi à côté de moi me fixait des yeux. Je regarde ma montre. Les huit minutes sont passées. Purée, quand est-ce qu'il vient ce satané bus ? Et soudainement, il arrive enfin. Il est 18h31. Je m'assois devant. Je ne cessais de penser à Amine. Allait-il rester m'attendre ou allait-il partir après avoir trop attendu ? Après tout, je me disais au fond de moi, que cette épreuve serait un test. Je verrai si il est patient ou pas. Et puis, tanpis, si il n'est pas content, j'ai décroché mon premier job aujourd'hui. On peut pas tout avoir le beurre et l'argent du beurre.
Le bus arrive enfin à destination. Je descend vite. Je cours vers le cinéma Gaumont. Enfin je marche rapidement, car je ne sais pas courir. Avec mes petits 28 kilos en trop, je marche pas vite. Une grand mère avec ses béquilles marcherait plus vite. Je m'arrête un moment pour regarder les films à l'affiche. Et puis je me reprends ! Je me dis que je suis pas là pour aller au cinéma.
Je commence à chercher des yeux Amine. Je le cherche, le cherche encore. Je me tourne et retourne et ça me donne même le tournis. Je commence même à voir les petites étoiles des dessins animés. Mais je ne le trouve pas. J'ai failli pleurer. Merde ! Il a cru certainement que je lui avait posé un lapin. Mais je n'avais que 14 minutes de retard. Soudainement, derrière moi, j'entends une voix.
-Bonsoir Farida !
Je retourne et je le vois, enfin. Je vacille un peu à cause de mes petits tours, mais ça va. Peut être que j'aurais pu m'évanouir comme dans les films et tomber par terre. Amine m'aurait certainement porté dans ses bras. Mon rêve se brise quand je pense à mon surpoids. Ca ne risque pas d'arriver. Je reprends mes esprits. Je suis si heureuse de le voir. Il s'avance vers moi pour m'embrasser. Je ferme les yeux et là je commence à entendre une musique un peu érotique. Et puis la petite voix me rappelle que je suis toujours vierge. Le disque de la musique se raille. Amine me fait deux bises. J'aurais tellement aimé qu'elle dure une éternité.
-Je suis désolé Amine pour ce retard!
-Il n'y a pas de problème. Je sais que c'est le magasin qui t'a retenu.
-Oui exactement.
Et là, il me tend une fleur de lys. C'était pas la traditionnelle rose rouge ou rose. C'était la fleur des rois et des reines, d'un blanc magnifique blanc. Elle était splendide. J'étais émue. C'était quelque chose de tellement simple et de beau et romantique.
Je le regarde dans les yeux et je lui dis merci.
Cette fleur ne me quittera plus jamais. Même fanée, elle vivra toujours. Elle symbolisera toujours cette rencontre. Même si Amine s'avérait quelqu'un de méchant ou de pervers, tanpis, cette fleur symboliserait toujours mon premier rendez-vous avec un homme.
-Bon, on va se le faire ce café ? me lança-il.
-Oui avec plaisir.
On marchait quelques pas sans rien dire. Je tenais toujours mon lys dans les mains. Puis, nous arrivions au café.
Il m'ouvre la porte de l'établissement, puis me dit "après vous mademoiselle".
Je lui répond "merci monsieur".
-Ou souhaiterais-tu t'asseoir Farida?
Je cherche d'un coup d'œil, la place la plus intime et celle surtout, loin des fenêtres pour que personne ne puisse me voir. Je suis un peu paranoîaque. J'ai toujours peur que mon père passe devant le café et me découvre avec un homme. Même si je sais qu'à cette heure, il travaillait dans son épicerie, on ne sait jamais. Dois-je préciser que mon père n'acceptera jamais le fait que j'aille dans un café considéré à ses yeux comme un bar, et surtout avec un homme, inconnu de surcroît. D'ailleurs en passant, heureusement que je n'ai pas de frère aîné. Sinon il me traquerait très souvent. Amine n'est pour le moment qu'un inconnu. Au fond, de moi je me disais que je devais rester un minimum vigilante, de ne pas être naïve. Un homme est toujours un homme. Les être humains sont complexes. Il faut toujours du temps pour découvrir leur vrai personnalité.
J'ai une amie Zohra de BTS qui est d'origine algérienne et qui m'a raconté qu'une fois elle sortait avec un homme d'origine algérienne. Elle s'entendait superbement bien avec lui. Il sortait au café, au restaurant et au cinéma. Et puis un jour dans sa voiture, pendant qu'il s'embrassait, il commencait à la caresser dans ses parties intimes et lui sucure dans l'oreille qu'il avait envie d'elle. Zohra était choquée sur le coup. Pour elle, il était hors de question qu'elle aille plus long avec lui. Des bisous bisous, oui. Mais plus, hors de question. Elle aussi était vierge et comptait le rester jusqu'au mariage. Elle répond à son petit ami, qu'elle ne voulait pas passer à l'étape suivante et lui avoue qu'elle était toujours vierge. Et lui, d'une manière agressive, lui répond :
-Tu m'allumes depuis tout à l'heure et là tu me dis que tu n'as pas envie. Je te ramène chez toi chez tes parent. Je ne veux pas perdre mon temps.
Elle se met en colère :
-Mais attends, je ne suis pas une prostituée. Espèce de connard de pervers ! Tu as bien joué ton jeu. Vous êtes tous les même les mecs, vous attendez de nous qu'on fasse des trucs avec vous alors que vous n'accepterez jamais de laisser votre propre soeur faire ça...
Elle ouvre la porte de la voiture, descend. Lui, son copain démarre en trombe et part sans rien dire ni se préoccuper de Zohra.
Zohra a dû appelé sur le champs son frère pour qu'il vienne la chercher. Zohra a eu chaud ce jour là. N'importe quoi aurait pu se passer dans cette voiture.
Lorsque Zohra m'a raconté cette histoire, j'en avais la chair de poule. Moi, non plus, je ne veux pas qu'on me prenne pour une prostituée. Je suis un fille saine avec des principes, des principes qui font toujours de moi une personne ouverte et tolérante. Je dois tenir ça de ma mère. Nous deux on a toujours des discussions que d'autres filles n'ont pas avec leur mère. Des discussions imagées sans même prononcer les mots. Ma mère me dit toujours de me méfier des hommes. Elle répète sans cesse que les hommes cherchent seulement "ça". Elle n'avait même pas besoin d'en dire plus, je comprenais tout à fait. Après tout c'est ce qui s'est passé avec Zohra. Son copain n'a pas eu ce qu'il voulait, il l'a largué comme du linge sale, alors qu'il aurait dû être heureux d'être avec une fille vierge. Aujourd'hui on en trouve pas beaucoup. Zohra et moi on est certainement des espèces en voie de disparition. A l'université, les filles maghrébines avaient de sale réputation. C'était à cause de certaines d'entre elles. Elles sortaient et couchaient avec n'importe qui. Elles faisaient ça n'importe où et en cachette de leur parent. Ces filles font ce qu'elles veulent, tout le monde libre est de faire comme il veut. Je ne juge quiconque. Mais le problème dans cette histoire c'est que nous les "petites pucelles maghrébines" nous héritons de cette réputation. Les hommes vont mettre tout le monde dans le même sac et vont penser qu'une fille maghrébine est une fille facile. Mais moi je ne le suis pas. Je ne me risquerais jamais de rester seul avec un garçon que je connais à peine dans une voiture.
La petite voix off me disais toujours de rester sur mes gardes et de ne pas me laisser embobiner.
Un serveur nous ramène les cartes. J'avais besoin d'un bon café pour me réveiller et rester vigilante.
Le serveur revient et Amine me demande ce que je vais boire. Je lui répond un café et un verre d'eau. Amine prend un Perrier.
Il me regarde. Je lui sourit et baisse les yeux rapidement.
Il me dit :
-Alors Farida, parle moi de ta journée au magasin.
-Et bien, c'est la meilleure journée que je n'ai jamais eu au magasin puisque j'ai été embauché.
-C'est génial félicitations, es-tu en CDD?
-Non, en fait je suis étudiante en BTS et je fais ma journée professionnelle tous les jeudi au magasin. Le patron m'a proposé de travailler le samedi seulement.
-Et tu prépares quoi comme BTS?
-C'est un BTS assistante de direction. Bon c'est vrai que cette expérience professionnelle ne correspond pas au travail de secrétaire mais, ça permets d'avoir plus confiance en soi et d'atteindre ses objectifs.
-Oui ça reste une expérience assez intéressante.
-Je dois avouer que c'est un petit peu grâce à toi que j'ai été embauché !
Il sourit, d'une manière si charmante.
Il répond :
-Comment ça?
-Tu m'as acheté beaucoup de cravates ces derniers temps !
-Oui j'avais besoin d'acheter de nouvelles cravates pour mon futur travail. En plus quand je vous ai vu, et bien j'ai joint l'utile à l'agréable.
Et là je rougissais comme une friteuse. Je n'osais pas le regarder dans les yeux. Et là j'ai pris mon courage à deux mains. Je lève les yeux et lui lance :
-
samedi 20 septembre 2008
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4 commentaires:
et la suite alors????
waouaawww je viens de lire ta chronique, vraiment super. J'attend la suite avec impatience vite vite.........
avec quelle passion je t'ai lue !!tu devrais être auteur (sans e car je suis de la vieille école)
la suite la suite la suite
lol
j'ai beaucoup aimé
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